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Reconnaissance de l'imputabilité au service du suicide d'un agent.

avocat fonction publique

TA Paris, 21 juin 2012, n°1020706/5-2 

avocat fonction publique

Considérant que Mme Estelle N., née le 16 septembre 1975, exerçant les fonctions de cadre manipulateur radiologie au centre hospitalier Bichat - Claude Bernard depuis le 1er octobre 2006 a mis fin à ses jours à son domicile le 1er juillet 2008 ; que par courrier du 20 août 2009, ses parents, M. et Mme N., ont demandé que son suicide soit reconnu imputable au service ; que la commission de réforme hospitalière réunie le 16 mars 2010 a donné un avis favorable à l'imputabilité au service ; que par décision du 14 septembre 2010 le directeur général de l'assistance publique-hôpitaux de Paris, AP-HP, a rejeté la demande de M. et Mme N. et refusé de reconnaître le décès imputable au service ; que M. et Mme N. et le Syndicat Sud-Santé solidaires des personnels de l'AP-HP demandent au tribunal l'annulation de la décision du 14 septembre 2010, ensemble la lettre d'accompagnement du 16 septembre 2010 ;
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Sur la recevabilité des conclusions présentées par le Syndicat Sud-Santé solidaires des personnels de l'AP-HP :
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Considérant que le Syndicat Sud-Santé solidaires des personnels de l'AP-HP demande l'annulation de la décision en date du 14 septembre 2010, ensemble la lettre d'accompagnement du 16 septembre 2010 par laquelle le directeur général de l'assistance publique - hôpitaux de Paris, AP-HP, a refusé de déclarer imputable au service le décès de Mme Estelle N. ; que si le syndicat requérant est recevable à intervenir, le cas échéant, à l'appui d'une demande d'annulation d'une telle décision présentée devant le juge administratif par les personnes intéressées, il n'a pas qualité pour en solliciter lui-même l'annulation ; que par suite, ses conclusions sont irrecevables et doivent être rejetées ;
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Sur les conclusions de M. et Mme N. :
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S'agissant de la recevabilité du mémoire en défense :
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Considérant que si les requérants font valoir que l'assistance publique - hôpitaux de Paris ne justifie pas de l'habilitation de Mme Richard-Plauger pour la représenter en justice, il résulte de l'instruction que le mémoire en défense a été signé par Mme Obadia, directrice adjointe à la direction des affaires juridiques ; que, par suite leur, moyen doit, en tout état de cause, être rejeté ;
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S'agissant des conclusions aux fins d'annulation :
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Considérant que la décision contestée du 14 septembre 2010 rejetant la demande du 20 août 2009 de M. et Mme N. de déclarer imputable au service le suicide de leur fille, Mme Estelle N., fait bien grief aux requérants eu égard, en particulier, aux effets juridiques d'une telle décision et à la qualité d'ayant droit des demandeurs ;
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Considérant que bien que le suicide soit un acte volontaire, il peut être reconnu imputable au service si cet acte a eu pour cause déterminante des circonstances tenant au service ; qu'il appartient au juge de rechercher si, dans les circonstances de l'espèce, le suicide a eu pour cause déterminante des circonstances liées au service ;
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Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme Estelle N., qui a rejoint le 1er juillet 1996 l'AP-HP en qualité de manipulatrice radiologie, est sortie major de sa promotion à l'issue de sa formation à l'institut de formation des cadres de santé de La Pitié Salpêtrière et a intégré en janvier 2006 son premier poste de cadre en médecine nucléaire à l'Hôpital Beaujon ; qu'elle a obtenu le 1er octobre 2006 sa mutation dans l'équipe d'encadrement du service de radiologie de l'hôpital Bichat - Claude Bernard, service recevant 350 patients par jour, d'une surface de 2 500 m² recouvrant la radiologie générale, l'échographie, le scanner, l'IRM et l'angiographie et qui comportait alors un cadre supérieur et un cadre de proximité en lieu et place des cinq postes de cadres historiquement présents dans ce service ; qu'à compter de septembre 2007, suite au départ en mutation de l'autre cadre, Mme Estelle N. est restée le seul cadre de proximité du service ; qu'il résulte du certificat du docteur Musa, psychologue à l'Hôpital Fernand Widal, que ce médecin suivait Mme Estelle N. depuis le mois de juin 2007 en raison de « ses difficultés au travail et son sentiment d'incapacité d'y faire face » ; qu'il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport de juin 2009 déposé par le cabinet SECAFI à la suite de l'enquête diligentée, en particulier, sur « les facteurs d'origine professionnelle qui auraient pu conduire ce cadre au suicide » et réalisée à compter de septembre 2008 à la demande du Comité d'hygiène et de sécurité, et des conditions de travail qui avait déclenché le 2 juillet 2008 une procédure de danger grave et imminent auprès de l'inspection du travail que « l'expertise confirme, plus spécifiquement, à propos des cadres de proximité l'existence de certains facteurs de risques [...] la surdétermination du travail par le manque de moyens qui induit une absence de limites aux contours du travail, notamment du fait de l'incapacité des cadres à dire non et de l'étendard de la conscience professionnelle qui amène à tout accepter » ; qu'il résulte de ces éléments, de la charge de travail imposée à Mme Estelle N. qui, sur la période de décembre 2006 à juillet 2008, a effectué plus de 153 jours d'heures supplémentaires, des termes mêmes de la lettre qu'elle a laissée la veille de son suicide exprimant « son calvaire au travail » et alors que, contrairement à ce que soutient l'AP-HP, aucune autre cause en particulier d'ordre personnel ou privé n'est susceptible d'expliquer son geste, que le suicide de Mme Estelle N. a pour cause déterminante les conditions du service et est ainsi imputable au service alors même qu'elle a pu bénéficier, lors des difficultés de travail rencontrées, du soutien des membres de l'équipe de radiologie ; que l'argumentation de l'AP-HP qui invoque la façon particulière de l'agent d'aborder ses fonctions de cadre est sans incidence dès lors que des raisons objectives liées à la charge de travail et donc aux conditions du service sont établies et constituent la cause déterminante du suicide ;
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Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, M. et Mme N. sont fondés à prétendre à l'annulation de la décision attaquée du 14 septembre 2010, ensemble la lettre d'accompagnement du 16 septembre 2010 ;
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S'agissant des conclusions aux fins d'injonction :
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Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. » ;
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Considérant que le présent jugement qui annule le refus de reconnaître imputable au service le décès de Mme Estelle N. implique nécessairement qu'il soit enjoint à l'assistance publique - hôpitaux de Paris de reconnaître ce suicide imputable au service, et ce dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir ; qu'il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
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S'agissant de l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
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Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'assistance publique - hôpitaux de Paris la somme de 1 500 € à verser à M. et Mme N. au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Considérant, en revanche, que les conclusions présentées au titre de ces dispositions par le Syndicat Sud-Santé solidaires des personnels de l'AP-HP doivent être rejetées ;
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Décide :
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Art. 1er : La décision du 14 septembre 2010, ensemble la lettre d'accompagnement du 16 septembre 2010 du directeur général de l'assistance publique - hôpitaux de Paris sont annulées.
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Art. 2: Il est enjoint à l'assistance publique - hôpitaux de Paris de déclarer le suicide de Mme Estelle N. imputable au service et ce dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir.
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Art. 3: L'assistance publique - hôpitaux de Paris versera une somme de 1 500 € à M. et Mme N. en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

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MàJ 04/2013


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