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Indemnisation du refus illégal de mutation
avocat fonction publique
CAA Marseille, M. X, 20 mars 2012, n°09MA03275
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Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 2 octobre 2000, M. X, lieutenant de police alors en poste à Briançon, a formulé une demande de
mutation dans laquelle il sollicitait, par ordre décroissant de préférence, en premier choix, la compagnie républicaine de sécurité de Toulon à Ollioules, en deuxième choix, la
direction départementale de la police aux frontières de Nice, et, en troisième choix, la compagnie républicaine de sécurité de Nice à Saint-Laurent-du-Var ; qu'à la suite de la réunion, les 21 et 22
novembre 2000, de la commission administrative paritaire nationale compétente, la candidature de l'intéressé n'a été retenue par le ministre de l'intérieur sur aucun des postes demandés ; que ce
refus d'accorder une mutation à l'intéressé a été annulé, pour erreur manifeste d'appréciation, par jugement devenu définitif, rendu le 5 juillet 2004 par le
tribunal administratif de Marseille ; que M. X relève appel du jugement rendu le 12 juin 2009 par le tribunal administratif de Nice, qui a rejeté sa demande tendant à
ce que l'État répare le préjudice moral et le préjudice financier qu'il aurait subis consécutivement au refus illégal de le muter, à l'occasion du mouvement de
novembre 2000, dans une compagnie républicaine de sécurité ;
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Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :
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Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre, M. X appuie ses conclusions indemnitaires de moyens suffisamment précis pour permettre à la cour d'en
apprécier le bien-fondé ; que, par suite, la fin de non-recevoir doit être écartée ;
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Sur la responsabilité de l'État :
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Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du recours gracieux formé le 30 novembre 2000 par l'intéressé contre le refus de mutation qui
lui avait été opposé, que M. X se trouvait, lors du mouvement de mutation de novembre 2000, en première position sur les deux postes demandés en
compagnie républicaine de sécurité ; que c'est après s'être fait communiquer les documents permettant de connaître l'ancienneté dans le poste, le grade et les notations des trois agents nommés sur
les emplois sollicités par M. X, que le tribunal administratif a annulé le refus de mutation en relevant qu'« en particulier » les deux
postes vacants en compagnie républicaine de sécurité avaient été pourvus par des fonctionnaires disposant d'anciennetés inférieures à celles, en grade et en poste, présentées par M.
X, que le requérant était excellemment noté par ses supérieurs hiérarchiques et avait fait l'objet d'un avis favorable à sa mutation sous réserve de remplacement, et que
le ministre ne justifiait pas que la situation familiale des officiers intéressés ou l'intérêt du service s'opposaient à la mutation de M. X; que, dans la
présente instance, le ministre ne fait valoir aucune considération de nature à établir l'inexactitude des motifs du jugement sus-évoqué du 5 juillet 2004 et pas davantage le fait qu'en l'absence du
refus illégal, l'intérêt du service aurait conduit à affecter M. X sur son deuxième choix, la police aux frontières de Nice ; que,
dans ces conditions, M. X établit qu'il aurait dû, lors du mouvement de mutation en litige, obtenir le premier choix figurant dans la demande ayant
fait l'objet du refus illégal, c'est-à-dire la compagnie républicaine de sécurité de Toulon ; qu'est sans incidence à cet égard la circonstance que M.
X n'a pas exprimé dans des demandes de mutation présentées dans le second semestre 2001 le souhait de rejoindre une compagnie républicaine de sécurité ;
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Considérant, en second lieu, que la circonstance qu'à la suite d'un autre mouvement de mutation, M. X a obtenu le 1er mars 2003 le deuxième
des trois voeux figurant dans la demande du 2 octobre 2000, ne retire pas à l'illégalité commise son caractère fautif, de nature à engager la responsabilité de l'État à compter de la
date à laquelle le poste en compagnie républicaine de sécurité de Toulon a été pourvu par l'agent affecté à la place du requérant ; que cependant cette même circonstance, qui voit la satisfaction
d'un des souhaits exprimés dans la demande précitée, borne au 1er mars 2003 la période de responsabilité de l'État à l'égard du requérant ;
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Sur le préjudice :
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Considérant qu'en l'absence d'exercice effectif des fonctions dont un agent public a été illégalement privé par l'administration, soit qu'il ait été évincé du service, soit qu'il ait
été affecté à d'autres fonctions qu'à celles qui étaient ou auraient dû être les siennes, celui-ci ne peut prétendre au rappel de la rémunération correspondante, mais est fondé à demander la
réparation intégrale des préjudices de toute nature qu'il a réellement subis du fait des mesures prises à son encontre dans des conditions irrégulières ; qu'il convient, pour fixer l'indemnité à
laquelle le requérant a droit, de tenir compte notamment de l'importance respective des fautes commises par l'administration et l'agent lui-même à l'origine des préjudices de ce dernier, telles
qu'elles résultent de l'instruction, et d'en déduire tout élément de rémunération ou tout revenu de remplacement perçu pendant la période durant laquelle il a été privé de l'exercice de ses fonctions
ou mis à l'écart du service ;
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Considérant que, pour l'évaluation de l'ensemble des préjudices subis par cet agent, l'indemnité réparant le préjudice financier doit être déterminée en prenant en compte, outre le traitement qui
aurait dû lui être versé, d'une part, les primes ou indemnités inhérentes aux fonctions que l'agent aurait exercées en l'absence de la mesure illégale, d'autre part, les primes ou
indemnités rétribuant la qualité ou la quantité de son travail, dont il établit qu'il avait une chance sérieuse de les percevoir ; qu'en revanche, cette évaluation ne peut inclure les indemnités
visant à compenser des frais qui n'ont pas été exposés ;
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Considérant que M. X demande, en premier lieu, réparation d'un préjudice financier résultant de la perte de chance de percevoir, en sus de son traitement, une somme
mensuelle moyenne de 400 €, qu'atteste avoir perçue le lieutenant de police nommé sur le poste de la compagnie républicaine de sécurité de Nice à Saint-Laurent-du-Var, au titre d'heures
supplémentaires et d'indemnités journalières d'absence temporaire dont, pour ces dernières, le décret susvisé du 26 septembre 1961 prévoit qu'elles sont « due(s) pour chaque période d'absence de
vingt-quatre heures décomptées à partir de l'heure de départ jusqu'à l'heure de retour à la résidence de l'unité » ; que le ministre intimé ne conteste pas que l'affectation en compagnie républicaine
de sécurité entraîne, notamment pour les personnels du grade de M. X, l'accomplissement habituel de missions donnant lieu à la perception des indemnités évoquées par
l'intéressé, qui doivent être ainsi regardées comme inhérentes aux fonctions exercées dans cette affectation ; qu'il ne dément pas que si M. X avait été affecté, comme
il aurait dû l'être, en compagnie républicaine de sécurité, sa rémunération mensuelle aurait été plus importante que celle à laquelle donnait lieu l'affectation en sécurité publique qu'il a conservée
jusqu'au 1er mars 2003 ;
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Considérant cependant que l'attestation sus-évoquée, qui concerne des missions effectuées par la compagnie républicaine de sécurité de Nice et non par celle de Toulon, laquelle correspondait au
premier voeu de l'intéressé, permet seulement à la cour d'admettre l'existence du préjudice financier subi par le requérant, sans la mettre en mesure de l'évaluer avec exactitude ; qu'il y a donc
lieu, avant dire droit, d'ordonner un supplément d'instruction aux fins d'inviter le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, à fournir à la Cour,
dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, toutes pièces propres à établir le montant de la rémunération supplémentaire que M. X aurait
perçue si, muté à la compagnie républicaine de sécurité de Toulon à la même date que celle de l'agent affecté à sa place, il en avait effectué les missions et avait eu droit aux indemnités
journalières d'absence temporaire et heures supplémentaires y afférentes, et ce, jusqu'au 1er mars 2003 ;
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Considérant que M. X demande, en second lieu, réparation du préjudice moral lié au refus de mutation illégal qui lui
a été opposé, lequel faisait suite à onze précédentes demandes d'affectation non satisfaites ; qu'il résulte de l'instruction que si l'état dépressif réactionnel de l'intéressé s'est déclenché à la
suite de l'échec d'une demande de mutation présentée en septembre 2001, le refus de mutation illégal a nécessairement contribué,
non seulement à la grande démotivation du requérant qui ressort de ses fiches de notation entre 2001 et 2003, mais aussi à ce que M. X soit placé en congé maladie pour
une période de 6 mois, du 20 décembre 2001 au 1er juillet 2002 ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M.
X en lui allouant la somme de 5 000 € à ce titre ;
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Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté
l'ensemble de ses conclusions indemnitaires ; qu'il y a lieu d'annuler ledit jugement et de condamner le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration à
verser au requérant la somme de 5 000 € en réparation du préjudice moral subi et de réserver les droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt,
jusqu'à l'intervention de la décision qui statuera au vu des documents qui seront transmis à la cour par le ministre en réponse à la mesure d'instruction ordonnée ci-dessus ;
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Décide :
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Art. 1er : Le jugement n° 0601252 rendu le 12 juin 2009 par le tribunal administratif de Nice est annulé.
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Art. 2 : L'État (ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration) est condamné à verser la somme de 5 000 € (cinq mille) à M.
X.
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Art. 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de produire devant la cour, dans le délai de deux mois à compter de la
notification du présent arrêt, tous documents propres à établir le montant de la rémunération supplémentaire qui aurait été servie à M. X si, affecté à la compagnie
républicaine de sécurité de Toulon à la suite du mouvement de mutation de novembre 2000, il avait exercé les missions effectuées par l'agent nommé à sa place et perçu les indemnités
journalières d'absence temporaire et heures supplémentaires afférentes à l'accomplissement desdites missions, de la date de nomination dudit agent au 1er mars 2003.
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MàJ 04/2013
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